Femmes en Filigrane : "La source de nos mots"

Une lettre... à la source des inspirations...

 

 

Samedi 1er Février 2020

 

Je suis partie depuis si longtemps, je suis partie si loin que j'ignore si tes pensées et les miennes ont atteint le même rivage. La vie m'a roulée d'une rive à l'autre de cet océan qui nous sépare. Je ne sais si tu vis encore, je ne sais plus rien de toi.

 

Ce matin un soleil radieux étendait une nuée d'étoiles sur la mer. Son éclat a traversé ma fenêtre et a effleuré ma joue. Cette douceur a réveillé le souvenir d'autres caresses. Ma peau s'est dépliée comme un drap qui flotte dans le vent. 

 

Je n'ai pas ouvert les yeux tout de suite. Des vagues de couleurs submergeaient mes mots. Je les ai regardées, je les ai écoutées, j'ai réglé mon souffle sur elles. L'espace de ma chambre a alors disparu. 

 

J'ai franchi le temps et je t'ai retrouvé. Tu étais là, avec moi, près de moi, si plein de vie, d'odeurs, de couleurs puis plus rien. Tout s'est éteint. J'ai eu froid, si froid. Mon corps lourd sortit avec peine de ce lit soudain hostile. J'ai alors ouvert mon ordi, j'ai lancé ton nom comme une bouteille à la mer. J'ai navigué sur les crêtes de cet univers de mots et d'images, inlassablement j'ai lancé au loin mes fils de pêche. Est-ce-bien toi que j'ai retrouvé ? Je l'ignore, je l'espère.

 

Avant de t'envoyer ces quelques lignes je suis allée me baigner. J'ai eu besoin de l'eau pour me réconcilier avec mon corps, me rassurer. Te rappelles-tu nos baignades, nos jeux, nos enlacements au gré des courants. Le soleil est revenu, les nuages s'effilochent en traînées légères. Je me glisse dans cette eau qui me soutient de ses mille mains.

 

Je sens sa densité, sa fluidité, sa fraîcheur contre ma peau. Je traverse sa masse compacte et souple. Je la découpe en gouttes cristallines.  Ma joie scintille en perles bleues. Je nage, je suis dans la mer, je suis la mer, je nage...Un goéland raye le ciel de son cri. 

 

J'ai cru entendre ta voix.  Je me suis trop éloignée. Je reviens. Mon souffle est court. Ma peau lutte contre le froid, le sel, le sable qui l'assaillent. Je m'arrache à la mer dont des lambeaux gouttent derrière moi, mes pas brillent sur le sable.

 

Je rentre pour t'écrire Simon.

 

Marie-Sol M. S.

 

 

Lettre 


Mon chat mon chéri,
Je t'écris depuis la cabane aux souvenirs
Ici, les arbres sont à la fois touffus et dépouillés, ramassés et dispersés
mais surtout, ils sont accessibles.
Cela te plairait, toi qui aimes tant grimper aux rideaux !
Leur reflet dans l'eau des mares est un souvenir inversé, un compte à rebours, une pensée qui remonte le temps
La fraîcheur de l'eau de ces mares est délicieuse, et les vaguelettes créées par le bain font vaciller les souvenirs, et tu vacilles, tu frissonnes, tu frémis, et clignotes comme les lumières d'un port.
L'arbre que je suis, ou que je deviens, avec ma mémoire millénaire, supporte bien des cabanes, et la sève en mon cœur est toujours vivante et prête à donner résine, caoutchouc, colle, nourriture, par les blessures d'une écorce, un manteau que je me suis taillé pour habiller ma nouvelle vie.
Tu aimais te chauffer près de la cheminée, tu restais à la table où j'écrivais, tu aimais te prélasser contre moi dans le lit, te collant tour à tour à mes jambes, mon ventre, embrassant mon visage et jouant avec mes cheveux
tout cela quand la vie me ramenait à la maison
Parfois, souvent, tu me regardais et je ne comprenais pas ce disaient tes grands yeux
ouverts, comme certainement, tu ne me comprenais pas, des modes de vie très ou trop différents, mais est-il possible véritablement de comprendre l'Autre quand on n'est pas dans sa tête, quand on n'a pas son corps
Des mots, des gestes et des mots, des faits et des mots
Je préfère te les écrire
Je dois
Je laisse la porte de la cabane ouverte
c'est te dire qu'elle n'est pas pleine ni encombrée ni interdite
c'est te dire qu'elle attend que tu y viennes à nouveau, quelques planches pour l'agrandir, la nourrir
Mon cœur n'est pas de bois, lui, il est liquide, il est coulure, il irrigue jusqu'à mes plus petites brindilles.
Viens dans ma cabane, par la fenêtre tu verras mes feuilles, tu respireras mes fleurs, tu viendras par les mares qui les abreuvent
Tes griffes comme d'habitude s'accrocheront
J'aime tes coups de griffes, ils me sont nécessaires, mon manteau est fait pour cela.
Viens je t'attends.

 

Jean-Pierre C.

 

 

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