Un texte dans ma langue...

Nos langues... à la source de nos écritures...

 

 

Un texte dans ma langue

 

Écrits ensemble :

"Ma langue est une langue

qui nous donne une idée d'éternité."


Cris et Chuchotements

 

Nous sommes lâches, les pieds nus nous rendent lâches, le manque de bruit.
Et ceux qui mettent un casque, qui portent une épée un fusil, ont été pieds nus un jour, vulnérables, fragiles.
Botté tu peux crier, tu fais résonner ta voix, pieds nus, ta langue est le chuchotis.
Surtout, que le monde ne t'entende qu'à peine ! Qu'il te laisse tranquille, qu'il ne se méfie pas de toi !
Il ne doit pas savoir ce que tu prévois pour lui, il ne doit pas se douter que tu peux le surprendre.
Parce que l'ordre des choses est ainsi fait que, pieds nus tu rentres dans la mosquée, pieds nus tu marches dans les rues, et c'est pieds nus que les enfants se plient aux désirs des adultes incestueux.
Lâcheté et surdité.
Il nous est confortable de ne pas entendre ceux qui se taisent, qui n'ont un discours qu'avec eux-mêmes.
Pourtant ils chuchotent, écoute le non qu'ils prononcent, penche-toi.
Que le monde reste monde, bruyant clinquant, sa musique symphonique, dont on ne sait qui la dirige, est assourdissante, et la lâcheté est d'en reprendre les refrains sans réfléchir.
Écoute le chuchotis, et tu t'apercevras qu'il n'y pas de silence plus profond qui se fait autour de celui ou celle qui chuchote, il est bien plus fort, on attrape les mots sans filet sans fusil parce qu'ils nous pénètrent.
Alors approche-toi et tends ton oreille.


Jean-Pierre C.

 

 

Écrits ensemble :

"Ma langue est une planète en plein vol

qui relie les humains."

 

« Aller flâner en étant vraiment présent à soi-même »

 

Le thé sent la cannelle, le pain au chocolat me tente, je suis un peu oppressée, je ferme les yeux, je flâne sans bouger, seule la main est en mouvement


Je dois mettre mon corps en mouvement, c’est très important pour cet exercice, je vais et viens dans le couloir, dehors le mistral doit glacer le jardin, je tente hardiment la sortie


Le ruisseau glougloute, j’observe les plantes, j’entends le vent, l’air me caresse le visage. Tous les verts s’harmonisent, une voiture passe, créant un nouveau bruit dans l’univers sonore, des voix échangent, Anne redit la consigne


Je reste au soleil, appuyée au grillage, chacun travaille écrivant avec application, je fais quelques pas, découvre le bassin et des touches de couleur au milieu des verts tropicaux, jaune, violet doux, je croise le chat qui se faufile comme une flèche, a-t-il l’habitude  que son territoire soit ainsi envahi ?


Sur le bleu du ciel les fils électriques tracent des lignes qui croisent les dessins des branches encore dénudées, d’un coup surgit  une moto tonitruante qui casse tout, c’est étrange le nez semble en grève alors que les autres sens s’activent, enregistrent, j’ai envie de toucher les plantes, mais le temps est passé, on se regroupe, on rentre

 

« Ecrire un texte dans votre langue »

 

???          puis une idée pour me lancer dans l’aventure, reprendre les cadavres du premier exercice


Ma langue est un vélo multicolore qui hurle dans la nuit
Ma langue est un plaisir gratuit qui roule dans l’azur
Ma langue est une passerelle vers l’infini qui brise les épines
Ma langue est un cheval volant qui galope d’étoile en étoile
Ma langue est un mystère qui est vulnérable à l’appel de la forêt
Ma langue est un repère entre amis qui traduit ce qu’elle choisit
Ma langue est une caresse amoureuse qui dessine au stylo
Ma langue est un carnaval adoré qui étourdirait éperdument


Comment oser laisser se perdre ces cadavres exquis, fruits du « hasard » mais surtout de l’énergie qui habite les écrivants novices que nous sommes… ?


Ma langue serait tout cela à la fois, un mélange improbable, un puzzle sans frontières de richesses, d’inventions, d’imagination,  de poésie,  un bouillonnement d’idées, d’images, de sons, de formes, de sens


Tout cela à la fois, mais pour dire quoi ? Pour satisfaire quel besoin profond, si profondément enfoui depuis si longtemps qu’on a pu l’oublier voire le nier, l’anéantir


Un jour il (res)surgit


Et voilà la page blanche, le stylo, la main et l’injonction « écrire »


J’ai choisi la langue plaisir, passerelle, mystère, caresse, je prends mon temps pour que cela s’unisse
 - ou s’affronte -, je vais, je viens, en sortira un texte – ou pas, ce matin ou plus tard, qui comblera mon besoin peut-être


La facilité éprouvée dans l’écriture des haïkus s’est envolée


Entraîne-toi à la patience, l’attente, l’ouverture au possible, bois ton thé et sors prendre l’air et le soleil !


Carolyn Carlson :  « on est ce qu’on laisse derrière soi »
                                « seul l’amour est l’immense énergie »
                               «  le sourire est le même dans toutes les langues »

 

Roselyne K.

 

 

Écrits ensemble :

"Ma langue est une méthode pédagogique

qui se déplace au grès du vent."

 

LOIN DE

 

Ma langue est une langue belle
Telle un collier scintillant
Qui espérait s’oublier simplement !

 

Ma langue, mais au fait en ais-je
Pourquoi cet honneur, pourquoi ce privilège ?
Et si je vous disais gens d’ici :
VI : « Elle ne fut que librement rouge
Poussée d’un printemps tardif, marron
Et là-même piégée en, mémoire
Puis, rangée, éclosion lumineuse »

 

Disons-le.
Oui, extra-terrestre invisible 
Elle, instable et incréée
Sans cesse nourrie, renouvelée
et naissance.

 

Ma langue, nos langues
Balbutiement du ‘secret non secret’ des formes ; de nos essences

 

Ma langue, source de cet :
I : « Espérer,
Ecouter l’intérieur
La sève heureuse …

 

IX : Lumineux, reflet aussi
Feuille
Loin de ses racines

 

Jean-Louis C.

 

 

Écrits ensemble :

"Ma langue est un serpent siffleur

qui nous guide vers la lumière."

 

LE FILET AUX IMPRESSIONS

 

 Assis autour de la grande table, nous écoutons attentivement les consignes du prochain jeu d'écriture.

 

Nous voici dehors, notre filet à papillons déployé pour une chasse aux impressions.

 

Le choc est brutal, ma peau oscille entre les dards du froid et ceux du soleil qui m'aveugle. Bousculés par des clair-obscurs intenses mes yeux tardent à s'ouvrir. Le lieu clame en odeurs et en couleurs sa forte présence. Je dois traverser un à un les écrans éblouissants dressés par notre étoile.  Mon regard enfin s'apaise et dévoile  un  jardin où la lumière distille, goutte à goutte, son eau de vie.

 

Une farandole saisit abruptement la matière des corps baignés de lueurs. Elle taille à coups de serpe dans la tendresse des feuilles gorgées de sève. Partout elle sculpte les formes à peine écloses.

 

 Là brille la joyeuse rondeur d'une agrume alanguie. Tout près jaillit la tige armée d'un rosier rouge aux  feuilles luisantes. Plus loin une jonquille ourlée de jaune penche sa blanche corolle.

 

Le flot discontinu des véhicules à moteur heurte le portillon de ses pointes stridentes puis s'enfuit. La vague de son écho se dilue dans le lointain.

 

Le vent avance, le vent se déploie, le vent agace la fontaine qui façonne son débit en parasol cassant. Les rafales saccadées tantôt le plissent, tantôt le brisent mais l'eau, têtue, roucoule en bulles de cristal inépuisables.

 

D'un bouquet de hyacinthes montent des effluves bleu métal qui ondulent sur les rubans des  feuilles puis vont flâner. Le coussin d'oxalis tout proche est le premier à pomponner les cœurs de ses limbes avec ce puissant parfum. Les cannas s'en emparent à leur tour pour souligner de pourpre les nervures de leurs palmes puis ils dansent dans le courant.

 

Mon corps se fait voile pour tanguer  dans cette brise hivernale tissée de suaves odeurs. Je laisse cette onde mêler les fils de soie de ma chevelure de ses doigts gantés de clarté.

 

Il est temps de rentrer, la blancheur de nos pages attend notre cueillette de sensations. 
La maison nous ouvre son confort douillet. Les images engrangées virevoltent autour de nos têtes, penchées sur nos sages cahiers. L'alchimie de nos pensées les aligne en graphismes serrés, d'où monte déjà la musique des mots.

 

Marie-Sol M.S

 

 

Écrits ensemble :

"Ma langue est un cheval volant

qui saute d'étoile en étoile."

 

Texte original

 

Perdue dans les méandres langagiers. Est ce ma langue ?
Non, c'est un je(u). 
Lequel s'il vous plaît ?
Ce n'est pas la langue qui manque. Le défaut vient de l'arbitraire de nos vies.
C'est l'implacabilité du destin. Je nais en hiver et mourrai peut être en été. Si j'ai de la chance !
Pas certaine du tout de trouver ce que je cherche, la stabilité d'un récit qui apaise les émotions tout en leur rendant grâce.
Le renard, subtil, vivant, malicieux, ce petit renard que j'aimerais tant voir fleurir sur la bouche, d'autres préfèrent les sorcières*.
Donc cette force, cette extraction grâce à laquelle le chat monte du sol à la table, cette force grâce à laquelle je m'extrais de la chaise pour quitter le banquet, m'isoler, encore, toujours à la recherche d'un bon mot.
Arrêter de regarder le jardin, les boutons jaunes posés avec une grande délicatesse sur des branches nues, frappées, littéralement giflées par le vent.
Pourquoi ne pas le dire, le vent ne me caresse pas, non ! C'est faux, un mensonge. Le vent m'agresse, me heurte, m'accule contre un mur de béton ensoleillé, seule réserve pour mon indienne sioux qui compte les bâtons, parle du désert, de l'âme qui fera sept fois le tour de la terre pour rejoindre le cosmos.
Elle me parle sans me connaître. J'entends son chant vibrant et simple et vrai, tout proche, tout contre, là, ici.
Que dois je dire à ma fille ?
"Regarde comme c'est joli ce rayon de soleil sur cette belle feuille verte, ce soleil qui réchauffe mon cœur." !
Et le sien au passage, son cœur, si c'était la lune qui éclairait son chemin !
Le mouvement dans les jours, dans la vérité, dans les douleurs. Si vous voulez y arriver il va falloir travailler, travailler, travailler. Il va falloir souffrir pour atteindre les dieux et la lumière, ou simplement soi. Donc, ma langue devrait porter ma peine et mon chagrin. Qu'est ce qui fait signe et signe mon écriture, ou signe un ballet de mots et d'idées. Que deviennent ces danses en secret, ces rêves et toute cette agilité ? Quoi façonner dans l'argile, tourne autour du pot qui s'émaillent de souvenirs bues jusqu'à la lie.

 

Texte retravaillé ("Beaucoup de travail... ! Comme dans un album d'Astérix" . Stupeflip)


Perdue dans un mutisme je m'interroge . Est ce ma langue qui fait défaut ? Je dis qu'elle n'est pas sourde et ne souffre d'aucune d'absence. Mais elle naquit d'un arbitraire ! Je cherche alors entre les signes la stabilité et la vérité d'un récit  qui apaiserait la mélancolie de mon petit vélo sans guidon, tout lui rendant grâce. J'ai l'idée que sur ma bouche, j'aimerais voir fleurir* le coyote, subtil et malicieux. Mais il pourrait ravir mon âme s'il découvrait mon encre. Pieds au sol, les cheveux en bataille, les yeux fixés sur l'horizon, je décide de ne plus m'attendrir pour la lande et ses délicatesses. J'affronterai le vent avec pour seule réserve, mon corps contre ce mur ensoleillé où se cache mon indienne sioux. Elle compte les bâtons, rêve de collines, chante son âme qui fera sept fois le tour de la terre pour enfin rejoindre l'univers, au crépuscule d'un poème. Je l'entends vibrante et simple et ne la connais pas, mes pensées dansant en secret leur ballet de syllabes imaginaires. 

 

* Richard Brautigan : "Une sorcière ne vous a t elle jamais fleuri sur la bouche, transformant votre respiration selon sa fantaisie, comme une petite voiture avec des phares bleus, passant éternellement dans un rêve ". In Il pleut en amour. Merci monsieur Brautigan pour la beauté de ces quelques mots.


Chant de chaman

Coyote, mon pouvoir viens !
A travers le vent je t'appelle
à travers la pluie, dans la tempête
moi, un jeune homme, je t'appelle.
Dis moi ce que j'ai dans le corps.

In Partition rouge, poèmes et chants des Indiens d'Amérique du Nord.

 

Claude R.

 

 

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