Mettre à  jour les jours confinés

 

Mettre à  jour les jours confinés...

 

 

Entendre et voir

 

Dans le quartier, nul n'est encore réveillé
je suis debout depuis cinq heures
un jour comme un autre
un jour où dehors fait peur
un jour qui attire
un jour où on entend des voitures passer
un jour rebelle
un jour où la vie reprend malgré tout
un jour de vie volée
un jour de déconfiture pour la planète
ce jour on recommence à polluer
un jour qui à nouveau manque d'air propre
un jour propre à espérer
un jour qui ne manque pas d'air
l'air est suffisant dit quelqu'un d'un air suffisant
l'air du vice
son cortège de nuages effilochés
mais Ciel ! Le ciel est bleu
l'air est frais qui rentre par la fenêtre entrouverte
un jour où il fait beau
un jour sans fatigue
un jour sur les nerfs
l'attente est une impatience
un jour où faire une patience éloigne le temps
un jour qui fait son plein de messages
un jour à faire des provisions de silence
un jour l'air de rien
l'air que l'on siffle en descendant l'escalier
que l'on chante à sa fenêtre
dehors mérite plus d'une voix
dehors mérite plus d'un coup d'œil.

 

Jean-Pierre C.

 

En retard j'ai couru et me suis tordu la cheville

 

un jour je suis dans le déni pendant ma séance chez la psy, qu'est cette histoire de confinement ?

n'importe quoi

 

un jour, je suis vide

après une nuit étrange, peuplée de rêves, réveils, somnolences,

me voilà sans rien, les occupations habituelles du mercredi se sont évanouies

chic, je vais avoir le temps de me mettre à tout ce qui était de côté

 

un jour j'ai une angoisse, les examens médicaux prévus sont annulés, jusqu'à quand ?

commence à germer le questionnement sur la durée et l'idée : et si ça n'avait pas de fin ?

 

un jour j'ai du mal à rompre le silence en séance, long silence en lien avec le confinement infini ?

j'ai la gorge serrée, je suis oppressée, le temps s'écoule, est-il avec nous, pour nous, contre nous...

je plonge, je parle j'ai oublié de quoi

 

un jour je suis décidée, cela ne me concerne pas, je sors,

j'enfourche mon vélo et en route

vers quoi ? l'espace, la respiration, la liberté,

le vent du mouvement me caresse, vive la vraie vie retrouvée

 

 

un jour j'ai le devoir de voter, l'expérience est étrange

quel abîme entre les préconisations officielles et la décontraction des 3 « officiels » du bureau,

ouf, cela fait du bien de constater que tout le monde n'est pas devenu fou

on a le droit de vivre, de parler, de plaisanter et rire, voire se moquer, quel soulagement

 

un jour j'ai une visite, un adorable motard, presque une caricature, casque, bottes, veste rembourrée

il sonne, monte, avant d'entrer enlève son casque ;

apparaît une tête souriante chevelue et barbue, il prend un flacon dans sa poche,

verse (de l'alcool prévient-il), sur ses mains, les frotte, entre c'est le notaire !

il a le droit d'aller rendre visite à ses clients puisque ceux-ci sont interdits de sortie,

un paradoxe à ajouter dans la longue liste

 

un jour je suis dans l'attente d'un appel téléphonique,

une amie m'a annoncé qu'un poème me serait lu de sa part,

belle attente, pleine d'espoir et de plaisir partagé

 

un jour j'ai atteint la limite du temps imparti

dans l'intervalle, révolte et toutes les réactions possibles de ceux qui m'entourent de leur attention :

tu dois rester confinée, tu es vieille donc fragile et à risques,

tu es inconsciente pour toi et pour les autres,

tu as raison de sortir, on ne peut pas vivre enfermé, la peur ne fait qu'affaiblir

 tu es criminelle, tu es une mauvaise citoyenne

je sors, je suis moi et « tu es = tuer »

 

il manque dix jours ou onze, où sont-ils,

perdus dans l'espace-temps,

à quoi sert de courir sinon à se tordre la cheville ?

 

quelle place minuscule a notre pauvre planète confinée dans cet univers à l'indifférence infinie ?

 

Roselyne K.

 

Aie ! retrouver la légèreté du corps flottant à la surface de l’eau.

 

Aie ! retrouver la légèreté du corps flottant à la surface de l’eau.

 

Un jour, le premier demi-jour, je devais enregistrer Charlie…

Je ne sais pas encore comment, dans sa jeunesse, on cultivait, moissonnait, battait le blé.

Charlie est en EPAHD, chambre 775 A, 2ème étage.

 


Un jour dans ce nouvel état, devant Biocoop, il y avait une rangée de gens,

séparés d’un mètre les uns des autres.

Mon corps tout seul a décidé de vite partir.

 


Un jour, j’ai dû aller à la pharmacie.

J’ai mis dans ma poche une feuille

pour déclarer sur mon honneur que je n’allais pas au gré de mes désirs,

en suivant mes pas selon mon bonheur.

 


Un jour, je n’avais pas d’atelier l’après-midi, pas de cours le soir.


Un jour, je n’avais pas.


Un jour sans.

 


Un jour, c’était bon de ne pas avoir de projet, de rendez-vous, de réunion, de préparation…
Un jour, je n’étais pas la plus à plaindre à cueillir des pâquerettes dans le jardin.
Un jour Fatima m’a appelée « Comme ça, pour dire : comment ça va, Hélène ? ».


Un autre jour, Marianne a écrit, pour garder les liens entre habitants,

elle nous propose d’écrire. Je lui envoie deux petits textes.

 


Un jour, puis un jour, un autre jour,

nouveau rythme, nouvelles activités, mises à jour, les jours passent… cela dure.

 


Un jour, j’ai eu peur de m’habituer. J’ai appelé Annie : je crois qu’elle s’habitue…
Un jour, j’ai su que je faisais partie des plus de 70 ans.

 


Un jour Marianne a écrit qu’une seule personne avait écrit.

Les autres commencent à me manquer.

 


Un jour la balade est annulée,

un jour le stage clown est reporté,

un jour je m’aperçois que je languis… 

 


Un jour Anne a écrit, et j’ai su…

 

 

JE est avec la multitude d’événements que le printemps provoque dans le jardin.

 

Hélène R.

 

J'aime entendre tanguer mon sang.

 

Mardi 17 Mars 2020


J'aime entendre tanguer mon sang.
Il bat à toute allure, une nouvelle l'a affolé
Nous sommes tous confinés ! 
Il plonge dans le virtuel. 
Il fait des nœuds autour des absents. 
Les mots, les paroles courent à la vitesse du son.
Nos cœurs d'amis et de parents se rassurent. 
A la fin de la journée, 
Une écharpe de tendresse autour du cou, 
J'ai frissonné. 
Oubli criant,  c'était son anniversaire. 
Une larme  brode son nom dans mon cœur.

 

Mercredi 18 Mars 2020


Ma géographie s'est réduite à la maison et son jardin.
Il m'appelle, le soleil l'inonde, j'accours. 
Mon attirail de jardinière s'entasse autour de moi.
J'arrache, je creuse, je plante, j'arrose, je nourris.
Je brasse de la vie.
Sur mes membres fatigués  poussent des feuilles.

 

Jeudi 19 Mars 2020 


S'approvisionner, manger,
L'urgence de l'élémentaire frappe à nos portes.
Les portes fermées, par où passera la vie ?

 

Vendredi 20 Mars 2020


Je regarde des  feuilles nouvellement nées.
Elles se dressent en minuscules bouquets,
Où coule leur sève claire.
Ai-je bien réalisé ce que je vis ?

 

Samedi 21 Mars 2020 


Le printemps clame son bonheur, 
Le virus lui aussi pousse à l'envie. 
Autour du jardin resplendissant rode un mal invisible.
Certains luttent contre la mort, épuisés, 
Entourés, ou seuls, malades et soignants
Vont jusqu'au bout d'eux-mêmes. 

 

Dimanche 22 Mars 2020


L'humour se fait vague et galope.
En mots, en images, en musique.
Le rire salvateur cascade en espagnol
Et dans toutes les langues. 
Des liens distendus se renouent.

 

L'hiver nous a quittés, l'hiver nous a rattrapés. 
L'Afrique et tant d'autres pays sont rejoints.
Les morts s'accumulent. 
La peur aussi.  
Même ceux qui n'y croyaient pas portent des masques.
Nous vivons tous le même enfermement. 
Mais ceux qui travaillent dehors,
Mais ceux qui soignent,
Mais ceux qui souffrent,
N'affrontent pas que l'ennui !
Les jours broient les couleurs. 
Mes pensées s'habillent de froid.


Le jardin s'éloigne. 
J'ai perdu le compte des jours,
Tant de souffrances, tant de morts.
Tant de luttes, tant de dons. 


Des verdures inextricables s'engluent et s'entrechoquent.
Pour qu'à la fin nous sortions du tunnel.

 

Marie-Sol M. S.

 

Tous les jours

 

Tous les jours.
Les jeunes feuilles du grand mûrier me rappellent que la vie est inexorable.

 

Le Premier Jour .

Après l'annonce du confinement en réunion extraordinaire,

je prévoie de lire tout ce que j'ai en retard.

Avant mon départ de la bibliothèque, je scrute les rayonnages à la recherche d'un livre,

celui qui me manquera si je l'oublie.

 


Le Deuxième jour est un samedi.

Et comme tous les samedis je m'installe dans la langueur,

dans cet état où chaque instant s'étire,

comme le font les chats dans un carré de soleil obligeamment déposé sur le sol.

 


Le Troisième jour

j'essaie de faire comme tous les dimanches mais je cuisine mal.

 


Le Quatrième jour

 je ressens un peu de culpabilité à me croire en vacances,

je peux dormir un peu plus, flâner sur le divan,

laisser le pied s'enfoncer dans les nœuds du tapis de laine blanche.

 


Le Cinquième jour

un ami et voisin qui me connaît bien m'apporte cinq  feuilles d'autorisation de sortie

car je n'ai pas d'imprimante.

Je n'étais pas informée que dorénavant il faudra justifier ses déplacements !

 


Le Sixième jour

la vie est encore un peu légère et je m'active à faire semblant,

semblant d'avoir le projet de faire,

faire des choix,

être concernée par ce qui m’apparaissait  d'ordinaire si nécessaire.

 


Le Septième jour

je réalise que j'appelle par téléphone mes parents tous les jours,

l'une puis l'autre, en fin de journée, depuis une semaine, déjà.

Je décide d'organiser mes appels car très vite nos discussions s'éternisent

et ma fille me réclame un souper qui tarde à venir.

 


Le Huitième jour

elle a décidé de passer le week-end chez son père. 

 


Le Neuvième jour

elle est de retour, pleine de joie,

un éclat d'espoir dans un ciel muet.

 


Le Dixième jour

j'envoie un sms à mon amie d'enfance qui me manque plus que d'ordinaire.

Plus tard le téléphone sonne et nous discutons un long moment.

Le souvenir de sa mère, morte depuis cinq ans, me fait pleurer.

 


Le Onzième jour

mon entourage professionnel s’inquiète de moi.

Trois messages reçus dans la matinée.

Même s'ils me savent un peu sauvage, l'inquiétude ne démord pas face à ce virus enragé !

 


Le Douzième jour .

Sortir est un vrai casse tête.

Gants, écharpe, éviter le souffle des joggeurs.

Mains lavées au départ et à l'arrivée.

Ne plus mettre les bouts des doigts à la bouche.

Inventer qu'ils sont recouverts de pigments multicolores,

ce qui me transporte immédiatement en  Inde,

vers Holi pour célébrer le printemps et la fertilité.

 


Le Treizième jour.

Peut-on être heureux dans ces circonstances, et si oui, comment l'être ?

Toutes et tous sont autour de nous mais il faut s'en tenir éloignée.

Ce serait comme un pas en direction de l'autre,

retenu par un fil barbelé, peut être même un fil électrifié.

 


Le Quatorzième jour

les grandes questions retombent lentement comme une pluie de neige.

Les certitudes se recouvrent d'un voile.

Il semblerait que l'essentiel part en villégiature.

 


Le Quinzième jour

est un  jour d'angoisse, fort mal de gorge, frissons, respiration bloquée par moment.

Vite. Je file chez mon valeureux médecin qui m'accueille avec enthousiasme,

cela fait presque deux heures que personne n'est venu pour une consultation.

"Ne vous inquiétez pas, ce n'est rien …"

 


Le Seizième jour

cette fois je me mets au boulot…

Et je commence le grand nettoyage de printemps

pour expurger les recoins de la maison de ce cauchemar,

en pensant à la peste et à ses crimes.

 


Le Dix septième jour

"Bon sang il faut que je lise et que j'écrive."

C'est mon antienne.

Elle  tourne dans ma tête comme une mélodie des années soixante dix sur un 45 tours.

 


Le Dix huitième jour

le chat s'est blessé et je l'amène chez le vétérinaire.

Je me retrouve dans un vide, tout comme à la pharmacie.

Il n'y a plus de contact entre les êtres.

Explications par téléphone.

Déposer le chat devant la porte en bois.

Puis retourner sur le parking.

"Je vous appellerai seulement quand vous serez assise dans votre voiture

et vous dirai à quelle heure venir le rechercher."

 


Le Dix neuvième jour

voilà, j'y suis.

J'écris...

J'aime quand le ciel me cligne de l'œil !

 

Claude R.

 

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