L'instant suspendu

 

Ecrits ensemble ... 

 " Une journée comme un soir,

est une journée idéale pour se reposer." 

 

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Je m’accroche à mon souffle

J’ai le souffle coupé, je me pince, je me cherche, allons vite un miroir

Que s’est il donc passé,….je suis devenue noire.

 

C’est bien moi que je vois, en tout cas c’est ma tête, et ce cerveau qui pense est bien le mien aussi

J’ai pris trop de soleil et d’alcool fort aussi, ou j’ai changé de race, ou je suis endormie…..

 

Mes rêves africains, mes envies d’être une autre, tout cela a marché et me voilà perdue

Je vois ma différence. Je peux, maintenant, comprendre l’autre, celui que l’on regarde et que l’on croit

aimer avec au fond de l’œil sa supériorité.

 

Je traverse une vague blanche et je me sens l’intruse. Pourquoi ne suis-je restée dans mon pays là bas ?

C’est vrai, quand j’étais blanche, habitant en Afrique, je me sentais miss monde tant j’étais fière de moi.

 

Ici, noire, et bien seule dans un monde presque hostile, je veux aimer de moi ce que j’aimais là bas

Le corps noir et lascif, cette manière de bouger et d’entrer dans la danse alors qu’on croit marcher.

Cette peau douce et lisse, ce côté nonchalant, ce partage évident et toutes ces femmes complices

Et cette eau si précieuse que c’était un cadeau, quand elle coulait sur nous au bout d’un jour torride.

J’ai un peu peur des autres et des regards sur moi, mais je me trouve plutôt jolie, en couleur chocolat……

 

Je me suis réveillée, perdue, désemparée

Le miroir d’a côté m’a rendu mon image

 

J’ai le souffle coupé, mes certitudes se barrent, une meute de questions attaque de toute part

Passer du noir au blanc m’a obligé à voir que l’enveloppe de couleur formate notre histoire »

 

Jocelyne G.

 


Ecrits ensemble ... 

 " Une journée au lit avec une montagne de livres,

est une journée où les aiguilles des montres

se mettent à tourner à l'envers." 


 

Les Stes 19.02.2012 et Collages AE TTA 18.02.2012 096

 

J’ai toujours éprouvé une véritable passion pour les instruments de musique en général, mais celui qui me fascine le plus, celui qui m’a donné mes plus belles émotions, c’est la voix humaine. Durant ces vacances j’ai vécu une expérience étonnante qui m’a littéralement envoûtée.

 

Elle s’est déroulée un soir dans une petite église romane de village, discrète, sobre, dont la fraîcheur accueillante ne pouvait que me réjouir après cette journée d’août caniculaire. J’étais entrée là, un peu par hasard, un peu par curiosité, après avoir été interpellée par une affiche sur les arbres du village annonçant : chants et cistre corses. Je ne savais pas bien ce qui m’attendait : j’ignorais ce qu’était le cistre et jusqu’à présent, en matière de chants corses, je n’avais entendu que des polyphonies. Je me demandais un peu ce qu’un chanteur tout seul, aussi talentueux soit-il, pouvait donner à découvrir.

 

Lorsque j’arrivai, l’église était déjà bondée mais je réussis quand même à me faufiler sur un banc au troisième rang. L’assistance, bruyante et désordonnée, s’agitait dans tous les sens, quand tout à coup, le miracle eut lieu ; alors que le dernier coup de neuf heures venait juste de retentir au clocher de l’église, surgie d’une des chapelles latérales, une voix s’éleva : une voix chaude, profonde, sensuelle, enivrante, je me retournai mais ne vis rien dans un premier temps, et puis soudain il apparut : tout de noir vêtu, de longs cheveux bruns tombant en cascade sur ses épaules, les yeux clos, la main rabattue sur l’oreille, vieille coutume des chanteurs corses ; je le découvris magnifique, fier et sensuel comme sa voix qui s’élevait et s’amplifiait maintenant sous les voutes ; je retins mon souffle à mesure qu’il s’avançait dans l’allée principale. Un silence épais, attentif, religieux, quasiment palpable se fit dans l’assistance.

 

Dès les premières minutes je fus subjuguée, envoûtée.

Aux chants sacrés, solennels, succédèrent des chants de bergers traditionnels, plus anciens encore. Entre deux prestations il nous parla de la Corse, de l’origine des mélodies que nous entendions, il nous retraça l’histoire du cistre, sorte de guitare à seize cordes, vieille de deux cent ans, cadeau d’un grand oncle, véritable pièce de musée qu’il avait réhabilitée et avec laquelle il s’ accompagnait dans tous ses concerts. Il nous raconta son île, ses habitants et ses coutumes avec passion et humour. Il nous présenta l’ancêtre de la flute, que les bergers taillaient dans la plus belle corne de la plus belle chèvre du troupeau.

Au fur et à mesure qu’il s’adressait à nous, je le trouvai encore plus beau, plus séduisant, ses yeux noirs brillaient, sa voix chaude coulait sur nous et nous enveloppait, étrange, charmeuse, émouvante ; son irrésistible sourire aurait séduit les plus récalcitrants.

 

Quelle merveilleuse soirée nous avons passé avec cet artiste hors du commun ! A la fin de son récital il nous proposa de nous initier aux principes de la polyphonie, nous expliquant qu’il allait choisir une note, la tenir, qu’il faudrait que nous la répétions et la tenions à notre tour et que par la suite il improviserait et qu’il nous invitait à faire de même, à nous laisser guider par notre inspiration, à inventer des variations, et le résultat fut magique, bien au-delà de mes espérances, un véritable enchantement.

 

Je ne sais pas exactement combien de temps dura l’expérience mais ce dont je suis sûre c’est que nous aurions pu rester des heures ainsi à surfer sur la vague de sa voix, à voyager dans ses yeux de colline en colline, à marcher dans ses pas au milieu du maquis ; ce soir-là, nous avons emboité la démarche chaloupée des mules, nous avons accompagné les chèvres et les brebis au rythme des sonnailles, nous nous sommes aventurés à dos d’âne jusque dans les villages les plus reculés,

je crois que ce soir-là nous étions tous un peu des bergers corses.

 

Dominique D.

 


Ecrits ensemble ... 

 " Une journée d'amour véritable,

est une journée sous le signe du sensible." 


 

Les Stes 19.02.2012 et Collages AE TTA 18.02.2012 097

 

Quand elle vient, Fanny s'arrête toujours sur l'aire de dégagement, à cet endroit

au dessus de la ville.

De là, la ville miroite et s'étale et gît comme un écrin sacré, sacrificiel; coffret à

bijoux au bord de l'eau.

Une dernière respiration avant la plongée en apnée dans cette lumière.

Conduite nerveuse dans la circulation folle anonyme asexuée, puis le parking

sous-terrain .

Remontée en ascenseur du gouffre aux senteurs de gaz-oil.

Attente du tram.

Fanny s'est habillée de rouge, pourtant, comme d'habitude, les passants fixes et

sporadiques font mine de ne pas la voir.

Peu de gens dans le tram.

Bruit de roues sur les rails, bruit sourd et souple du moteur électrique.

Marius est monté sans remarquer la lumière ni la chaleur de la ville.

Il a d'autres soucis en tête.

Il s'assoit - sans réfléchir – inconsciemment au seul endroit qui l'attire, à travers

ses pensées, en face de la rouge Fanny.

Balancement du tram.

Marius regarde passer les arbres.

Il les compte, un deux, un deux trois.

Quatre.

Pendant ce temps, Fanny occupe l'espace, elle en est une émanation directe,

spatiale et universelle.

Elle est naturellement rouge ; et invisible, elle ne sait pas pourquoi.

– Naturellement je suis en rouge et invisible mais je ne sais pas pourquoi.

Dit-elle tout à coup à Marius.

– Cette ville a bien besoin d'un chaperon rouge, il y a tant de loups affamés ici.

– Mais ce n'est pas du tout l'impression que j'ai ! dit Fanny

– C'est parce que vous n'êtes pas d'ici . dit Marius

– Si je suis d'ici , enfin je suis née ici, mais ce que je viens prendre ici,

c'est un bain de magie – la ville est magique !

– Parce que habillée de rouge vous la traversez sans qu'on vous voit ?

– Non, c'est juste, voilà, le fait... que je ne m'y sens jamais étrangère, et qu'elle

me transporte dans un autre univers, dans un autre état d'âme et qu'ici,

invisible et dans le rêve, j'existe vraiment …. comment dire ?

– En accord avec vous-même ? suggéra Marius

– Plus que cela ! C'est comme si tous mes particularismes étaient fondus

en une seule couleur, comme si la mer me lavait de toutes mes barrières.

– Avez-vous déjà pris la mer ? Dit Marius

Fanny ne répond pas tout de suite.

– Non , c'est ici que j'ai toujours voulu être, c'est ici que j'ai toujours été unie.

Le tram s'arrête.

Fanny descend. Marius la suit.

 

Jean-Pierre C.

 


Ecrits ensemble ... 

 " Une journée abracadabrante,

est une journée que t'avais pas imaginé." 


 

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